jueves, 4 de diciembre de 2014

Emile Poulat ha muerto. Gracias maestro


Emile Poulat ha muerto. Gracias maestro

 
De vuelta de una conferencia en Córdoba, donde cité a Emile Poulat, uno de mis “maîtres à penser”, leo con profunda emoción agradecida su obituario en “Le Monde” fechado el 03/12/14. No puedo sino transcribirlo. Quien haya leído mis textos, particularmente mi libro “Los cristianos, ¿en la sacristía o tras la pancarta”, PPC 2013, habrá comprobado mi deuda hacia Poulat. Gracias maestro
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Emile Poulat

Historien du catholicisme

Sociologue des religions et historien du catholicisme, Emile Poulat est mort le 22  novembre à Paris à l'âge de 94 ans.

Né à Lyon le 13  juin  1920 au sein d'une famille très catholique, Emile Poulat grandit à l'ombre de l'église Saint-Polycarpe, dédiée à un saint associé aux premiers âges chrétiens en Gaule – un passé mythique qui l'impressionne et le marque durablement.

Il partage son enfance, heureuse et libre – son père répète à ses cinq fils : " Soyez indépendants, suivez votre conscience " – entre sa ville natale et Paris, dans le quartier populaire de Belleville-Ménilmontant, où la famille se fixe quand l'adolescent a 13  ans.

C'est à Paris qu'il fait deux rencontres déterminantes : la fille de Zéphirin Camélinat (1840-1932), trésorier de la Commune de 1871, franc-maçon et premier candidat communiste à l'élection présidentielle de 1924, et Jean Longuet, petit-fils de Karl Marx, dont le père Charles fut l'allié de Camélinat pour refonder le socialisme à la fin du XIXe  siècle.

Un choc des héritages dont Poulat fera son miel : " La mythologie de mon enfance, ce sont ces deux grands symboles : le Mur des fusillés au Père-Lachaise, le Mur des otages de la Commune, rue Haxo. "

Il se conforme d'abord à la stricte observance des options religieuses de son milieu, étudiant à l'école secondaire diocésaine de Conflans, puis aux facultés des lettres de Paris et de Strasbourg tout en fréquentant le séminaire.

Mais après avoir vécu à la fin des années 1930 les déchirures que la montée des totalitarismes en Europe opéraient dans son milieu et sa génération, il a 20 ans à l'heure de la débâcle.

Refusant de partir en Allemagne pour le service du travail obligatoire (STO) en  1943, il désobéit. Désobéissance civile, mais aussi religieuse, puisque les évêques incitaient au départ. Il passe à la clandestinité, et sous un nom d'emprunt, trouve refuge dans un collège de Saint-Gervais (Haute-Savoie) où il enseigne les lettres.

A la Libération, il confirme son engagement de pédagogue, avant de gagner comme lecteur l'université allemande de Fribourg-en-Brisgau (1948-1950), où il obtient son doctorat de théologie.

L'aventure des prêtres-ouvriers

Il renoue alors avec la discipline de l'Eglise. Tout juste ordonné prêtre, à Notre-Dame de Paris en mars  1945, il fraie avec le Mouvement missionnaire français qui entend analyser le monde contemporain comme on part en exploration dans un monde inconnu : comprendre la société occidentale et la situation de l'Eglise dans cette société. Le chantier scientifique amorcé par Emile Poulat relève dès lors de la sociologie religieuse.

Le compagnonnage avec les prêtres-ouvriers lui donne le sentiment de participer à l'effervescence de l'Eglise de France, malgré la distance que crée la posture de l'analyse critique de l'intellectuel. Et, de fait, quatre années durant, il vit son ministère dans le monde du travail (compagnie d'assurances, laboratoire d'électrochimie…), partageant l'aventure de ces nouveaux missionnaires.

Aussi, lorsqu'en  1954 Pie XII condamne une expérience que le dominicain Marie-Dominique Chenu a qualifiée de " plus grand événement religieux depuis la Révolution française ", intimant aux prêtres de quitter les usines, Poulat renonce au sacerdoce.

L'année suivante, double virage, il se marie – avec Odile, formant pour plus d'un demi-siècle un couple fusionnel – et entre, sous l'égide de Gabriel Le Bras, au CNRS, section sociologie.

Attaché (1955), chargé de cours (1958), maître de recherches (1962), directeur enfin (1968-1987), il grimpe tous les échelons de l'établissement où il avait participé dès 1954 à la fondation du premier Groupe de sociologie des religions.

Son défi ? Traiter en historien comme en sociologue l'histoire conflictuelle entre les catholicismes français et romain : crise moderniste et réaction intégriste, tensions et déchirements dans un champ social où la bourgeoisie s'effraie d'un prolétariat révolutionnaire à bannir.

Sa thèse est soutenue en Sorbonne alors même que s'ouvre le concile Vatican II (1962). Sitôt la somme éditée dans une version abrégée, Emile Poulat intègre la VIe section de l'Ecole pratique des hautes études (EPHE) – celle qui s'autonomise en  1975 en EHESS. Il y exercera son magistère jusqu'en  2007.

Désormais, il suit les évolutions de l'Eglise en s'attachant à dialoguer avec chacun, soucieux que les désaccords, manifestes au lendemain du virage voulu par Jean XXIII et accompli par Paul VI, ne dégénèrent en conflits, voire en rupture. Cette posture originale l'amène à devenir une référence dès qu'il s'agit de comprendre la place du religieux dans la cité. D'où ses travaux sur le rejet maçonnique ou la laïcité.

" Eveilleur de conscience "

Par son bagage largement transdisciplinaire, par sa curiosité et son sens du concret, sa soif de comprendre que n'étouffe aucun présupposé ni préjugé, Emile Poulat devient un recours intellectuel quand les brûlures du monde brouillent l'entendement.

Il a tout lu, tout saisi. Préfacier généreux, intervenant infatigable, de colloque en revue, il est aussi le recordman de la note critique – dépassant le score déjà faramineux des comptes-rendus signés par l'historien Lucien Febvre.

Savant d'exception, champion chrétien de la laïcité, " éveilleur de conscience " pour certains, Emile Poulat avait reçu, en décembre  2012, des mains du président François Hollande les insignes d'officier de la Légion d'honneur. Il laisse aux yeux de tous le souvenir d'un esprit aussi libre que rigoureux.

Philippe-Jean Catinchi

© Le Monde

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